Vin bio : les domaines viticoles vont-ils tous se convertir au bio ?

S’il y a une tendance qui a le vent en poupe dans le monde viticole à l’heure actuelle, c’est bien celle du vin bio. D’ailleurs les nombreux labels (HVE, AB, etc.) permettent de témoigner de la prise en considération par le domaine d’une agriculture plus saine. Les intrants chimiques qui ont fait particulièrement débat ces dernières années sont progressivement exclus. 

Ces labels sont devenus au fil du temps un argument marketing qui pourrait même être considéré comme incontournable. Seulement voilà, être labellisé bio ce n’est pas une tâche simple. Et tous les vignobles, qu’ils soient gérés par de grands groupes aux moyens colossaux ou pas, ne sont pas sur un pied d’égalité. 

Le climat : facteur déterminant 

Suivant la localisation du vignoble il peut être plus facile de souscrire aux conditions du cahier des charges de l’agriculture biologique (AB). Pour cela un climat chaud et sec sera l’idéal. C’est le cas par exemple dans la région du Languedoc qui compte une très importante proportion de vins bio. Dans les parties les plus sèches de la Vallée du Rhône, c’est également le cas, comme le Château Gigognan qui est exposé au puissant Mistral.  En revanche, pour une région ayant un climat chaud et humide, comme Bordeaux, les choses vont rapidement se compliquer.

Château Gigognan

La difficulté pour le vin bio

En effet, les régions ne sont donc pas sur un pied d’égalité. Car celles dont les conditions météorologiques ne sont pas appropriées vont devoir composer avec des pressions particulièrement fortes de ce que l’on appelle les maladies cryptogamiques. Autrement dit des champignons. Ces champignons se développent dans la chaleur et l’humidité. Sous un climat qui leur est propice, la « pression » peut rapidement devenir très forte, et il devient alors vital pour préserver la récolte, de lutter de manière appuyée contre le développement de ces champignons. Or, dans l’agriculture biologique, la liste des produits utilisés étant considérablement réduite, il devient donc plus difficile de lutter efficacement. Les passages dans les vignes vont se succéder pour un résultat qui pourra être dans certains cas très mitigé.  

La conséquence peut être la perte d’une grande partie de la récolte. Ce fut le cas pour de grands domaines du bordelais en 2018 avec plus de 80% de pertes, notamment au Château Palmer, appellation Margaux, et au Château Pontet Canet, appellation Pauillac, tous deux en biodynamie. La région bordelaise a en effet une importante pluviométrie assortie d’un climat tempéré à chaud.

Plus on va au sud et moins il pleut, plus c’est facile !

Pour résumer plus la région est chaude avec une pluviométrie limitée, plus il devient facile de suivre les standards des vins bio. Cela se remarque particulièrement avec l’Italie où le sud affiche un pourcentage de domaines bio quatre fois plus élevé que le centre, et 15 fois plus élevé que le Nord. De grands domaines font le pas de se convertir comme par exemple Caiarossa en Toscane.

Le Chili possède également de nombreux vignobles en bio, y compris parmi les plus iconiques comme Casa Lapostolle, dans la vallée de Colchagua, avec le fameux Clos Apalta qui est conduit en biodynamie. Et la tendance grandit partout dans le monde.

Vignobles dans la vallée de la Colchagua au Chili

Accepter le risque des aléas climatiques, véritable challenge  

Si le vigneron est accoutumé à composer avec la météo, cette gymnastique peut s’avérer plus délicate pour ceux qui attendent un retour sur investissement. La pression des résultats dans certains groupes ou domaines est telle que l’on ne peut pas prendre le risque de se convertir si le risque est trop élevé. Il y a des emplois à conserver, des marchés à entretenir, une rentabilité à obtenir… cela peut s’entendre.

Les risques doivent donc avoir été réfléchis en amont, même si une parenthèse est toujours possible lorsque l’on est bio en cas de coup dur. On peut se remettre à utiliser d’autres produits mais on ne pourra plus prétendre au label. Il faudra par la suite attendre une période de 2 à 3 ans pour redevenir bio.

Passer en bio, combien ça coûte ?

Bien sûr passer en bio nécessite un budget. Il y a tout d’abord le coût des labels. Puis ensuite le coût de la main d’œuvre. Celui-ci va sensiblement augmenter, car il nécessite plus de présence. Suivant le pays, la région, ou l’année, ce coût peut même exploser entre la main d’œuvre, et la pression des maladies durant cette année-là.

L’Espagne, plus important producteur de vin bio, ne l’est pas par hasard : la majorité de son climat est propice à ce type de viticulture, avec une main d’œuvre disponible et bon marché.

Toutefois il ne faut pas oublier que l’on va économiser sur l’achat des produits phytosanitaires, des produits qui rappelons-le sont extrêmement onéreux : de 1000 euros l’hectare approximativement en agriculture conventionnelle, les prix peuvent descendre à 200 euros en bio, le soufre et le cuivre étant extrêmement bon marché. Un point à relativiser tout de même car plus de main d’œuvre peut aussi signifier devoir investir dans une plus grande quantité de matériel.

Les motivations à passer en bio

Il y a un peu toutes les écoles. Certains ont adopté ces pratiques de manière presque intuitive et communiquent plus ou moins sur le sujet. D’autres suivent la tendance actuelle qui affiche un intérêt manifeste et qui peut ouvrir de nouveaux marchés. Il y a donc des motivations économiques, car à l’heure actuelle le bio se valorise. Cela ajoute une corde à son arc, c’est un fait. Mais il y a surtout des convictions éthiques, de respecter les sols, d’être au plus proche de la nature, de ses vignes. Généralement cette conviction se repère assez facilement dans le discours des propriétaires. Gonzague et Pierre Lurton tiennent près de 140 hectares en biodynamie sur les appellations Pauillac et Margaux, et ce n’est clairement pas une motivation économique qui prime. Ils sont intimement persuadés que la biodynamie est la voie.  

Les risques majeurs pour le vin bio

Les principaux risques vont être de perdre tout ou partie importante de sa récolte. Les rendements peuvent être impactés très significativement, ce qui signifie peu de volume. Dans le cas de marchés conclus et devant être alimentés, cela peut être particulièrement problématique. 

Mais certaines pratiques autorisées par les certifications peuvent aussi susciter questionnements et débats. Comme le fait de devoir traiter ses vignes un nombre considérable de fois avec du sulfate de cuivre. Ce traitement est autorisé, mais divise autour de son impact dans certains sols. On parle donc de sols saturés en résidus de cuivre, certains sols étant moins drainants que d’autres, et suivant d’autres facteurs. 

Quoi qu’il en soit il y aura toujours des pistes d’améliorations, et ce, quelle que soit la certification ! 

Convaincre

Si on peut être convaincu, il faut aussi savoir convaincre, et cet exercice peut être d’une grande difficulté pour le directeur d’un domaine qui doit rendre des comptes à ses actionnaires.

Thomas Duroux, directeur de Château Palmer, a réussi à convertir les 75 actionnaires de la propriété au passage à la biodynamie en y affichant toute sa conviction. Il a fait prendre conscience de la nécessité pour un grand cru d’adopter des pratiques plus proches de la nature depuis 2014.

Passez au vin bio ! 

Être bio c’est être en phase avec la prise de conscience actuelle, où, au même titre que nous aimons savoir ce que nous avons dans nos assiettes, nous voulons avoir la certitude de ce que nous avons dans nos verres. 

C’est également un argument de vente supplémentaire, et cela peut ouvrir de nouveaux marchés comme par exemple tout le secteur de la distribution spécialisée bio.  Cet engagement fait lien avec la recherche constante d’amélioration qualitative. Et si les conditions sont propices, les domaines qui souhaitent évoluer devraient sérieusement envisager cette possibilité de conversion.

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