Si vous avez déjà entendu un vigneron vous dire qu’il avait enterré au début de l’hiver des cornes de vaches, préalablement remplies de bouses, et qu’il comptait les déterrer au printemps pour les répandre sur ses terres, rassurez-vous, vous n’êtes pas fou, et lui non plus ! Il est simplement adepte de la culture du vin en biodynamie, et a une vision de la viticulture plus globale, et bien différente de la culture traditionnelle. On pourrait croire que ces méthodes sont d’un genre nouveau, liées aux problématiques écologiques, mais il n’en est rien. Envie d’en savoir un peu plus sur la biodynamie ? Vous êtes au bon endroit.
Les différentes méthodes de viticulture
La biodynamie est une méthode de culture, adaptable à tous types d’agriculture, et donc aussi utilisée dans la culture du raisin. Alors avant d’entrer dans les détails de cette méthode, revenons sur quelques notions de viticulture.
- La viticulture classique est dite « traditionnelle » ou « conventionnelle ». Elle utilise tous types de produits, qu’ils soient naturels ou chimiques, pour traiter la vigne et ainsi améliorer ses rendements.
- La viticulture biologique, remplace les produits chimiques ou de synthèse, par des produits naturels ou compatibles avec ce type d’agriculture.
- La viticulture biodynamique, est, quant à elle, le fait de traiter le sol et l’environnement de la vigne comme un être vivant. Le plant de vigne est donc simplement considéré comme un autre être vivant évoluant sur cet environnement.
- Attention, la culture de la vigne de façon biodynamique ne donne pas un vin naturel. Le vin naturel est le résultat des raisins cultivés via la méthode biodynamique, et ensuite également vinifiés de façon naturelle et sans ajout de soufre par exemple.
Pour résumer, la viticulture biodynamique est donc l’évolution de la viticulture biologique, et précède la méthode des vins naturels.
D’où vient la culture du vin en biodynamie ?
C’est dans les années 1920 que la biodynamie commence à apparaître. Le philosophe autrichien Rudolf Steiner questionne alors le monde agricole sur les effets des pesticides et des intrants chimiques. Il questionne aussi les agriculteurs sur les influences cosmiques sur l’agriculture. Le but étant de redonner aux terres de la vitalité et de la vivacité.
Le philosophe va donc donner une série de huit conférences intitulées « Fondements spirituels pour le renouveau de l’agriculture ». Et c’est à la suite de ces conférences, qu’un mouvement agricole se voulant plus responsable et respectueux de la terre a vu le jour.
La culture du vin en biodynamie se développe surtout après la seconde guerre mondiale, et arrive en France en 1969 avec Eugène Meyer, pionnier de la viticulture en biodynamie en Alsace. Cette nouvelle méthode de viticulture trouvera ensuite de l’écho à partir des années 80, notamment avec l’engagement d’un vigneron ligérien, Nicolas Joly, en faveur de ces méthodes. Son association, « Renaissance des Appellations », qui rassemble des vignerons internationaux certifiés en bio et en biodynamie, organise des dégustations de vin et des séminaires dans le monde entier.
C’est quoi la biodynamie ?
La biodynamie, c’est comprendre tout ce qui entoure la culture sur le plan matériel (ce qui est tangible), et sur le plan immatériel (non-tangible). La biodynamie permet au vigneron, ou plus largement à l’agriculteur, de prendre des décisions et d’agir sur l’ensemble de l’environnement qui entoure la vigne, la culture, et non uniquement sur le fruit cultivé.
Au-delà du vivant, la biodynamie prend donc également en compte les énergies qui nous entourent, le magnétisme de la terre, l’attraction des pôles, les cycles lunaires et ses influences.
La culture du vin en biodynamie est soumise à un principe unique : le milieu sol-vigne-climat est considéré comme une seule entité. Tout l’environnement de la vigne est donc lié, et l’ajout d’intrant sur un des éléments va donc impacter les autres. D’où l’intérêt de ne pas utiliser des produits chimiques et phytosanitaires.
Le concept de biodynamie est étroitement lié à l’agriculture biologique. Les concepts de compostage, de diversité animale et végétale et de rotation des cultures font généralement aussi partie de ces méthodes. Mais la biodynamie va plus loin. Elle est basée sur une réflexion profonde autour de l’équilibre entre l’écosystème de la vigne (faune et flore inclues) et l’homme.
Comment fonctionne la biodynamie sur la vigne ?
La viticulture biodynamique consiste donc à connecter la vigne à son environnement. L’ajout d’herbicides chimiques est interdit. L’herbe autour des pieds de vignes n’est pas coupée. Les vignes sont installées à côté d’autres cultures, et des ruches sont placées à proximité, etc.
Les engrais et autres intrants chimiques sont mis de côté en viticulture biodynamique. Les outils et alliés du vigneron sont donc des préparats naturels, dont les plus répandus sont l’utilisation d’excréments d’animaux, de cornes de vaches ou du quartz.
Le préparat à base de bouse de vache, insérée dans une corne est donc le plus connu. C’est une préparation obtenue par la fermentation de bouse de vache, préalablement insérée dans une corne, et enterrée durant l’hiver. Une fois le printemps arrivé, cette bouse sera dynamisée avec de l’eau et pulvérisée sur les sols pour les fertiliser.
Le suivi du calendrier lunaire, quant à lui, est une façon de maximiser l’efficacité des intrants naturels, dispersés sur la vigne ou les sols.
La culture du vin en biodynamie est plus un ensemble de concepts fondamentaux qu’un ensemble de règles. La plupart des vignerons testent durant plusieurs années des approches. Et finissent par choisir celles qui s’adaptent le plus à leurs terroirs.
La biodynamie consiste donc à dynamiser les échanges entre la vigne et son environnement. Il s’agit aussi de stimuler les capacités de défense de la plante, donc de la vigne, pour éviter d’y ajouter des intrants. Au lieu de soigner la vigne, on la rend plus forte et le rôle du vigneron est d’éviter les déséquilibres.
Les certifications
Certains labels mettent en avant les efforts de travail du vigneron fonctionnant en biodynamie. Le plus connu est le label Demeter. Il faut pour cela suivre le cahier des charges du label de façon minutieuse pour recevoir le précieux sésame. Ce label est présent dans 53 pays. Il assure aux consommateurs que tous les vignerons ayant appliqué ce label sur leurs bouteilles suivent à la lettre leurs méthodes et le cahier des charges.
Biodyvin ou Nature & Progrès sont aussi d’autres labels, moins connus.
Les détracteurs
Pour certains, et à cause d’un manque d’études et de résultats, la biodynamie est un mythe et les vignerons qui l’utilisent perdraient leurs temps. Les pratiques des vignerons biodynamiques sont parfois qualifiés de surréalistes, voire d’absurdes. Il est vrai que l’on peut se poser des questions lorsque l’on voit des vignerons utiliser une corne de vache remplie de quartz, enterrée à l’équinoxe d’automne et déterrée au printemps afin que son contenu soit dilué dans de l’eau, brassé dans un dynamiseur, puis pulvérisé dans les vignes. Mais une chose que l’on ne pourra pas enlever aux adeptes de la biodynamie : ils y croient ! Et ces méthodes ne sont pas nocives pour le produit final. Alors, pourquoi ne pas les laisser essayer ?
Qu’en est-il de l’aération des vins biodynamiques ?
Plus un vin est dit « propre », comme c’est le cas des vins biodynamiques, moins il est fixé chimiquement ou via des sulfites. Même si le cahier des charges de la viticulture biodynamique n’interdit pas l’ajout de sulfites, la plupart des vignerons adeptes de cette méthode n’en utilisent pas. Ces vins, moins « stables » ont donc besoin de plus de temps pour s’exprimer, et laisser ressortir leur terroir. Une aération peut donc s’avérer nécessaire.
En effet, aérer un vin biodynamique va donc permettre à la texture de s’épanouir. Les arômes vont de se développer, et le vin de se délier.
Les vins biodynamiques étant également des vins pour la plupart assez jeunes. Il est donc toujours préférable de les oxygéner pour les apprécier à leur juste valeur. Avec une carafe, si vous avez le temps, ou un aérateur connecté Aveine pour une dégustation immédiate.
Conclusion
Les vins biodynamiques sont le résultat de tout le travail effectué sur la vigne. Un travail respectueux du vivant et des sols. Le goût n’est pas du tout altéré, et il dépendra comme en culture traditionnelle, du travail et des choix du vigneron (et du cépage utilisé bien évidemment). En dynamisant la vigne avec son environnement, certains disent que le vin est donc plus à même d’exprimer son terroir. Ce sont souvent des vins remarquables pour leurs personnalités et leurs qualités. Par ailleurs, les domaines travaillant en biodynamie ne sont pas uniquement des petits domaines. Ils ne sont pas perdus au fond de l’Ardèche ou ayant une petite production. L’un des plus grands domaines de Bourgogne et connu dans le monde entier, le domaine la Romanée Conti, est passé en biodynamie.